***** Le liseur, de Stephen Daldry

1958. Pendant l’été de ses quinze ans, Michaël devient l’amant d’une femme d’âge mûr. À la fin de leurs ébats, Hanna lui demande de lui faire la lecture à haute voix. Puis Hanna disparaît du jour au lendemain, sans laisser de traces.

Huit ans plus tard, dans le cadre de ses études de droit, Michaël assiste à un procès d’ex- gardiennes nazies. Hannah est dans le box des accusées. Le film prend alors une intensité dramatique hors du commun. Car il ne s’agit pas d’un autre film sur l’holocauste; et si le film pose les questions des responsabilités individuelle et collective, de la culpabilité, de la moralité vs la légalité, de la rédemption et du pardon, il ne donne aucune réponse. Pas étonnant que le spectateur en ressorte bouleversé. Ce film est un chef-d’œuvre absolu.

Le jeu des comédiens est irréprochable; et tous les superlatifs de la langue française ne sauraient suffire à décrire le talent de Kate Winslet qui porte le film sur ses épaules.

Avec Kate Winslet, David Kross, Ralph Fiennes, Bruno Ganz (2008)

****½ Il faut qu’on parle de Kevin, de Lionel Shriver

Il faut qu’on parle de Kevin est un livre coup de poing. Dans les lettres adressées au père dont elle est séparée, Eva parle de l’enfant à venir, des premiers mois, des premières années… jusqu’à ce JEUDI-LÀ. Eva ne cherche pas à se justifier ni à culpabiliser l’autre : elle veut juste comprendre pourquoi Kevin a posé ce GESTE-LÀ. L’auteure sait faire monter la tension dramatique tout en posant les nécessaires questions sur les responsabilités individuelle, parentale et collective.

Shriver, Lionel. Il faut qu’on parle de Kevin, Belfond, 2006, 480p.

*** Milk, de de Gus Van Sant

Le film s’ouvre sur des scènes d’archives montrant des policiers faisant une rafle dans les bars gais. Au même moment, Harvey Milk, premier politicien ouvertement gai à se faire élire aux Etats-Unis, enregistre un message au cas où il lui arriverait quelque chose. Il relate les huit ans de son combat pour la reconnaissance des droits civiques des homosexuels.

L’ambiance des années 70 est bien rendue, en particulier la croisade menée par la chanteuse Anita Bryant et le sénateur John Briggs contre les enseignants homosexuels. On ne peut qu’être choqué par leurs propos réactionnaires et en même temps inquiets de voir que les droits des gais sont toujoours régulièrement remis en cause.

Sean Penn prête ses traits à Milk: énergique, courageux, fantasque, parfois agaçant, il ne m’a toutefois pas beaucoup émue. Quant à Josh Brolin, il campe un homme torturé, visiblement perturbé par les idées libérales défendues par Milk. La scène où il scelle le destin de Milk est saisissante.

Avec Sean Penn et Josh Brolin (2008)

**** Une histoire de fous, de John Katzenbach

Une brève visite à l’hôpital psychiatrique où il fut jadis interné réveille chez Francis Pétrel de vieux démons qu’il croyait avoir mis en déroute. Hélas, le Mal est de retour ; et sa façon de le combattre est des plus originales : il doit raconter ce qui s’est réellement passé cette nuit-là.

Constant aller-retour entre jadis et maintenant, l’originalité du roman tient surtout au fait que l’histoire est racontée par «un fou» d’une intelligence hors du commun jouant un rôle important dans une enquête aux multiples rebondissements. Du même auteur, on appréciera aussi L’affaire du lieutenant Scott .

Katzenbach, John. Une histoire de fous, Presse de la Cité, 2005, 545p.

**** Il y a longtemps que je t’aime, de Philippe Claudel

Deux sœurs se retrouvent après quinze ans, au sortir de prison de l’aînée. Les retrouvailles sont d’autant plus difficiles que celle-ci se confine dans un mutisme de tous les instants et résiste à toutes les tentatives de rapprochement. Il faudra bien pourtant un jour répondre aux questions que se pose l’entourage. Où donc était cette sœur qui a surgi tout à coup? Pourquoi avoir caché son existence?

La vérité nous sera révélée à la toute fin. J’ai adoré ce film tout en nuances, qui s’adresse à l’intelligence du spectateur, qui suggère plutôt que de démontrer. Kristin Scott Thomas est bouleversante dans le rôle de la prisonnière qui a du mal à retrouver sa place dans la société. Quant à Elsa Zylberstein, elle nous touche aussi par la sobriété de son jeu : un regard, un sourire, un geste furtif suffisent à témoigner de son amour.

Avec Kristin Scott Thomas et Elsa Zylberstein, toutes deux exceptionnelles (2008)

**** Amsterdam, de Ian McEwan

Il est de ces livres qu’on lit d’une traite tellement ils sont fascinants. Amsterdam est de ceux-là. Pourtant, l’histoire est de prime abord assez banale. En effet, qu’ont en commun Clive, le compositeur de renom, Vernon, le rédacteur en chef d’un quotidien en perte de vitesse et Julian, le ministre des Affaires étrangères? Ils ont tous été amants de Molly, la défunte. Et les deux premiers haïssant copieusement le troisième, ils profiteront de la complicité du mari trompé pour exercer une vengeance implacable. Mais voilà : le destin s’amuse parfois à jouer de biens mauvais tours.

C’est avec brio que l’auteur construit son intrigue et le dénouement nous laisse pantois. À cela s’ajoute une touche d’humour toute britannique, bien utile pour compenser la petitesse des personnages. Cette satire de la société contemporaine a reçu le Booker Price en 1998.

McEwan, Ian. Amsterdam, Éditions Gallimard, 2001, 196 p.

***½ Le Hussard, d’Arturo Pérez-Reverte

Andalousie,1808. Le jeune hussard Frédéric Gluntz rêve de s’illustrer lors de sa première grande bataille. Ne fait-il pas partie de la glorieuse armée de l’Empereur? Et comment ne pas mépriser ces Espagnols monarchistes et catholiques, si peu ouverts aux nouvelles idées?

Chaque chapitre nous amène vers l’affrontement tant désiré. Le roman prend alors vraiment toute sa mesure : exit les beaux habits et l’éclat du sabre vibrant; place au sang, à la douleur, à l’horreur. Ce premier roman de Perez-Reverte, réédité après vingt-cinq ans passés dans l'oubli, laissait déjà entrevoir l’immense talent de celui qui nous a donné depuis Le peintre de batailles ainsi que Le tableau du peintre flamand.

Pérez-Reverte, Arturo. Le Hussard, Paris, Seuil, 2005, 192 p.

*** Beloved, de Toni Morrison

Inspiré d’un fait divers survenu en 1836, le roman évoque la vie d’une ancienne esclave qui s’efforce d’oublier son passé jusqu’au jour où apparaît une jeune fille belle et maléfique qui dit se prénommer Beloved. Alors les souvenirs ressurgissent, enflent, prennent toute la place. Par d’incessants retours en arrière, nous arriverons à comprendre qui est cette jeune femme et surtout, parcourrons le sombre chemin de l’esclavage et du ségrégationnisme américains.

Je ne me souviens pas avoir eu autant de difficulté à terminer un roman. Cela tient sans doute au thème abordé mais surtout au style très particulier de Toni Morrison, qui mêle réalité et merveilleux, langue orale et poésie.

Ce roman lui a valu le Prix Pulitzer en 1988 et a été porté à l’écran en 1998, notamment avec Oprah Winfrey.


Morrison, Toni. Beloved, Christian Bourgeaois Éditeur, 1987, 380 p.

*** C'est pas moi, je le jure!, de Bruno Hébert

Peut-être suis-je entrée dans cet univers par la mauvaise porte, celle du merveilleux film de Léa Pool qui s’est inspirée de la vision d’Isabelle Hubert pour mettre en images le désarroi d’enfants confrontés au départ subit de la mère. Philippe Falardeau, lui, a plutôt respecté le regard du frère, Bruno.

Léon, dix ans, trouve dans la délinquance un moyen d’exprimer sa souffrance. La seule à pénétrer dans son monde intérieur est la jeune Clarence qui partage ses chimères et ses folles équipées. Le récit est bien mené, avec rebondissements à la clé, et la langue est belle, peut-être trop. Le roman s’est mérité le prix France-Québec lors de sa parution en 1998. Mais personnellement, je n’ai pas embarqué, je n’ai pas été émue une seconde.


Hébert, Bruno. C'est pas moi, je le jure!, Montréal, Les Éditions du Boréal, 1997, 196 p.

*** Alice court avec René, de Bruno Hébert

Septembre 1969. On retrouve Léon, entrant en cinquième année et redoutant par-dessus tout les sévices d’un trio infernal qui s'est juré de lui casser la gueule. Comble de malheur, sa belle Clarence l’ignore délibérément.

Ce deuxième roman est moins sombre puisque les plus grandes frasques de Léon sont de sécher ses cours et de voler des billets de 20$ dans le sac à main de sa mère revenue. Mais qu’un enfant qui avoue ne pas savoir lire puisse citer la Guerre de Cent Ans, la Convention de Genève ou les nappes d’huile sur l’Adriatique laisse pantois. C’est beaucoup de culture pour un illettré!

Hébert, Bruno. Alice court avec René, Montréal, Les Éditions du Boréal, 2001, 180 p.

*** C’est pas moi, je le jure, de Philippe Falardeau

Léon a dix ans, une imagination débordante et quelques tentatives de suicide presque réussies. Le départ de sa mère pour refaire sa vie en Grèce ne fait qu’exacerber sa violence envers les autres et envers lui-même. Seule sa jeune voisine Léa trouve grâce à ses yeux et lui apporte un peu de réconfort.

Évidemment, le rapprochement avec Maman est chez le coiffeur de Léa Pool est inévitable puisqu’il s’agit d’une autre vision de la même histoire. Le film de Falardeau est plus dur, plus violent. Malgré le jeu exceptionnel des enfants-acteurs, on reste un peu en dehors du drame. On est en présence d’un bon film, mais pas d’un grand film.

D’après les romans C'est pas moi, je le jure! et Alice court avec René de Bruno Hébert.
Avec Antoine L'Écuyer, Catherine Faucher, Daniel Brière et Suzanne Clément

****½ Champagne, de Monique Proulx

Ce roman prouve, une fois encore, que Monique Proulx est une très grande auteure. Délaissant le milieu urbain, elle plante son décor en «champagne, », terme désignant au Moyen Âge tout territoire s’étendant hors de la ville. Mais la nature ici est plus qu’un simple décor : elle est personnage, au même titre que ces humains qui la côtoient et la vénèrent.

La forme est aussi exceptionnelle. Chaque chapitre met l’accent sur un personnage et se termine en introduisant le suivant. Chacun d’eux vit des tourments ; certains ont des passés très lourds. Comme toujours chez Monique Proulx, ils sont hors du commun, excessifs, et pourtant, on y croit. Une grande auteure, vraiment !

Proulx, Monique. Champagne, Montréal, Boréal, 2008, 391p.

***½ Ce qu’il faut pour vivre, de Benoit Pilon

Malgré quelques longueurs, il s’agit d’un très beau film. On ne peut qu’être touché par ce chasseur inuit transplanté dans un sanatorium de Québec. Rien ne l’avait préparé à ce choc : que ce soit les maisons de la Grande-Allée, les arbres du parc, la baignoire ou la nourriture, rien ne ressemble à ce qu’il connaît et sa solitude est totale. Jusqu’au jour où un jeune malade parlant sa langue brise son isolement.

Ce que l’on apprécie ici, c’est la profonde humanité que le réalisateur a su insuffler à son film. Pas d’esbroufre, pas de dialogues inutiles : tout passe par le regard de ce grand interprète qu’est Natar Ungalaaq.

Avec l’extraordinaire Natar Ungalaaq, bien soutenu par Éveline Gélinas et le jeune Paul-André Brasseur.
Ce qu'il faut pour vivre représentera le Canada aux Oscars 2009.

***** La Reine dans le palais des courants d'air, de Stieg Larsson

Les deux premiers tomes nous avaient plu par l’abondance des revirements de situation. Ici, l’auteur se paie le luxe de sonder plus profondément ses personnages. Donc, moins de rebondissements mais un intérêt toujours aussi soutenu puisque l’ennemi ici est puissant : les services secrets suédois. Plus roman d’espionnage que polar, l’intrigue est bien ficelée : l’auteur y décrit ce qu’il peut y avoir de plus noir dans l’être humain et dans la société qu’il a engendrée. Heureusement, il nous laisse sur une note d’espoir.

Larsson Stieg, La Reine dans le palais des courants d'air, Millénium 3, Actes Sud, 2006, 710 p.

****½ La fille qui rêvait d’un bidon d’essence et d’une allumette, de Stieg Larsson

Mikael Blomkvist aimerait comprendre pourquoi Lisbeth Salander ne veut plus le voir. Il la retrouve de façon tout à fait inattendue, alors qu’elle tente d’échapper à un agresseur de fort gabarit. Puis deux meurtres surviennent et tous les indices pointent vers Lisbeth. La police n’est pas la seule à la traquer; plusieurs semblent avoir des comptes à régler avec elle.

Mais c’est réduire ici ce roman à presque rien alors qu’il ratisse très large, que l’intrigue est des plus complexes, que les rebondissements ne nous laissent aucun répit. Un bonheur!

Larsson, Stieg. La fille qui rêvait d’un bidon d’essence et d’une allumette, Millénium 2, Actes Sud, 2006, 652p.

*** Bienvenue chez les Ch’tis, de Dany Boon

On rit beaucoup, puis on sourit, puis on oublie.

Est-ce parce que l’état du monde nous rend moroses que ce film s’avère être un grand succès commercial? C’est un gentil film, sans plus.

Avec Dany Boon et Kad Merad (2008)

*** Même le mal se fait bien, de Michel Folco

Sept ans d’attente pour une suite, c’est long et ça crée bien des espoirs. J'ai été d'autant plus déçue. Bien sûr, ce n’est pas mauvais : Folco y déploie encore beaucoup d’humour et beaucoup de finesse. Ce voyage dans le royaume austro-hongrois du début du siècle dernier donne lieu à des pages très réussies, d’autant que le héros, Marcello Tricotin, l’entreprend à contrecœur pour satisfaire une clause testamentaire de son fougueux géniteur.

Mais c’est longuet et un peu tiré par les cheveux. Dommage, car la finale est époustouflante : du Folco à son meilleur!

Folco, Michel. Même le mal se fait bien, Stock, 2008, 597 p.

*** ½ Le cœur est un muscle involontaire, de Monique Proulx

Florence n’aime pas les écrivains et encore moins leurs livres. Elle n’aime pas non plus les chiens, l’alcool, les vieux, le plaisir, l’amour. Elle n’aime que Zéno, son associé, mais elle ne l’avouerait jamais. Zéno, par contre, adore les écrivains, et surtout Pierre Laliberté, ce romancier mythique dont personne n’a jamais aperçu le visage. Florence part donc à la recherche de ce fameux écrivain qui pille la vie des autres pour élaborer ses intrigues.

Construit à la manière d’un polar, le roman est avant tout un hommage à la littérature et aux écrivains. C’est aussi une réflexion sur le nécessaire abandon devant la beauté, que ce soit un livre, une toile ou un ciel étoilé.

Proulx, Monique. Le cœur est un muscle involontaire, Boréal, 2002, 400p.

**** Les Hommes qui n’aimaient pas les femmes, de Stieg Larsson

Depuis quarante ans, Henrik Vanger cherche la vérité sur la disparition de sa nièce. Il engage à cette fin le journaliste économique Mikaël Blomkvist qui s’associe à Lisbeth Salander, jeune femme rebelle et crack d’informatique. Voilà pour l’intrigue, qui semble bien mince à première vue.

Mais voilà : ce premier tome de Millénium, dont la critique a fait un éloge dithyrambique, nous réserve bien des surprises. D’abord, par la lenteur du récit : l’action ne débute vraiment que vers la 300e page. Jusque-là, l’auteur plante son décor, présente ses personnages, crée une ambiance trouble. Puis, le rythme s’accélère; les rebondissements ne cessent de surprendre. Et le rythme s’accélère encore, jusqu’à nous laisser pantois.

Cela s’appelle avoir du talent!

Larsson, Stieg. Les Hommes qui n’aimaient pas les femmes, Millénium 1, Actes Sud, 2006, 575p.

***½ Deux jours à tuer, de Jean Becker

Antoine fête ses 42 ans. Mais il n'a pas l'esprit à la fête. Il insulte un client, quitte son travail et se montre odieux avec tout le monde, ses amis comme sa femme. Il dit adieu à ses deux enfants et quitte Paris pour finalement retrouver en Irlande son père qu'il n'a pas revu depuis trente ans.

L'affrontement est inévitable. Film bien construit, ce n'est que dans les dernières minutes que nous comprendrons les étranges agissements d'Antoine. Chapeau aux comédiens, tous excellents.

Avec Albert Dupontel, Marie-Josée Croze, Pierre Vaneck (2008)

***½ Le retour, de Bernhard Schlink

Un jour, le jeune Peter se met à lire un des feuilletons de littérature populaire que ses grands-parents corrigent pour arrondir leurs fins de mois. Intrigué, il découvre dans le récit pourtant incomplet d'un prisonnier de guerre détenu en Sibérie des détails qui se rattachent étrangement à sa propre vie. Sa volonté de découvrir la fin de l'histoire le hante et aura des impacts certains sur les choix de vie qu'il fera.

À travers son histoire, l'auteur a voulu explorer les notions d'engagement et de responsabilité, du bien et du mal, de la vérité et du mensonge. Malgré une fin un peu bâclée, l'oeuvre vaut le détour.

Schlink, Bernhard. Le retour, Éditiond Gallimard, 2007, 383p.

**** Maman est chez le coiffeur, de Léa Pool

C'est le temps des vacances, donc des rêves et des projets. Pourtant, une ombre plane, un malaise s'installe. Le drame éclate lorsque Élise surprend une conversation téléphonique de son père et qu'elle passe le combiné à sa mère. Ce que cette dernière apprend lui paraît si horrible qu'elle décide de quitter mari et enfants.

Le film s'attarde alors aux réactions des trois enfants, qui composent avec la situation chacun à leur manière. Les jeunes acteurs, habilement dirigés, ont toujours le ton juste. Léa Pool nous offre un drame profondément humain, mais sans jamais s'appesantir. La solidarité qui s'installe entre les enfants apporte un peu d'espoir.

La reconstitution de l'époque est impressionnante. Un très beau film, émouvant.

Avec Céline Bonnier, Laurent Lucas, Gabriel Arcand et les enfants Marianne Fortier, Élie Dupuis et Hugo St-Onge-Paquin, tous excellents.

***** Rencontre avec l’écrivaine Élise Turcotte

Le Comité de lecture des Amis de Bibliothèque et Archives nationales du Québec avait organisé hier soir une rencontre avec l’écrivaine Élise Turcotte. Ce fut une réussite totale.

Les membres présents, près d’une trentaine, ont pu profiter d’une rencontre fort conviviale. Élise Turcotte a répondu avec une grande sincérité aux nombreuses questions touchant les divers aspects de son œuvre. C’est avec simplicité qu’elle a abordé les thèmes qui lui sont chers : la solitude, la responsabilité, la relation à l’autre, la mort. Elle a expliqué sa fascination pour le mot, le rythme de la phrase, sa musique, et illustré ses propos par la lecture de quelques extraits, au grand plaisir des participants.

D’abord connue par ses recueils de poèmes, l’auteure de La Voix de Carla, Sombre ménagerie, Navires de guerre a expliqué son passage de la poésie au roman, puis aux livres pour enfants.
Mme Turcotte a démythifié son métier tout en en faisant voir la complexité. Elle nous a expliqué comment elle se nourrit de tout ce qui l’environne, comment jaillit le projet d’écriture, et nous a dévoilé certains secrets entourant la conception de L'île de la Merci, Le bruit des choses vivantes, Pourquoi faire une maison avec ses morts.

Récipiendaire de nombreux prix tant pour ses poèmes que pour ses romans, Élise Turcotte a vu ses livres traduits en anglais, en espagnol et en catalan. On ne peut que souhaiter qu’elle nous charme encore pendant longtemps.

*** La Nuit dernière au XVe siècle, de Didier Van Cauwelaert

La vie d’un contrôleur des impôts bascule lorsqu’on lui révèle qu’il est en réalité l’amant d’une châtelaine qu’il a peu courtoisement abandonnée au XVe siècle. Cet homme plutôt rangé et rationnel se croit victime d’un complot de contribuables à l’esprit vengeur. Puis certains signes sèment un doute dans son esprit… et dans le nôtre.

Commencée dans le bonheur car l’auteur manie bien les mots d’esprit, la lecture devient difficile car le roman va dans toutes les directions. Dommage! La vie interdite est un meilleur choix pour connaître cet étonnant auteur.

Van Cauwelaert, Didier. La Nuit dernière au XVe siècle, Paris, Albin Michel, 2008, 281p.

**** Élise Turcotte, poète, de Sylvain Marotte

Élise Turcotte est née à Sorel en 1957. En 25 minutes, cette poètesse, romancière et enseignante nous dévoile ses influences, ses passions, sa vision de l’écriture et quelques secrets. Elle nous lit aussi quelques poèmes; c’est une belle rencontre, avec une auteure fort sympathique.


Au fil des mots est une collection de 13 portraits de poètes québécois réalisés par les Productions Teridan avec la collaboration de BnQ.

On peut aussi accéder à ces portraits sur le site de BAnQ.
http://bibnum2.banq.qc.ca/bna/afdm/index.html

***½ Neretva, de Aline Apostolska

L’auteure avoue avoir voulu « raconter la Yougoslavie d’avant l’horreur. Créer le Autant en emporte le vent des Balkans, une fresque panoramique où la grande histoire du XXe siècle serait en jeu ». Pari réussi : son roman est aussi l’histoire de sa famille qu’elle apprendra à connaître presque par hasard, grâce aux cahiers hérités de sa mère. Mais c’est surtout l’histoire fort complexe du rêve d’un homme qui s’effondra à la mort de celui-ci. C’est le principal reproche que l’on peut faire à ce roman. Les personnages sont fort peu développés, comme s’ils étaient emportés contre leur gré dans une histoire qui les dépasse largement. Mais curieusement, c’est aussi là sa force. Il donne envie d’en savoir davantage. Pour ce faire, on peut consulter l’excellent site Le courrier des Balkans.

Apostolska, Aline. Neretva, Montréal, Québec Amérique, 2005, 456 p.

****½ Expiation, de Joe Wright

L’histoire est somme toute assez simple : une adolescente à l’imagination très fertile accuse à tort l’amoureux de sa sœur d’un horrible crime. Cette dénonciation gratuite aura de terribles conséquences.

Adapté d’un roman de Ian McEven, l’originalité de ce film tient du traitement exceptionnel que le réalisateur lui a donné. Les images sont sublimes : chaque plan rivalise avec des tableaux de maître. Les nombreux allers-retours dans le temps, les mêmes scènes reprises selon un autre point vue, la musique, la tension dramatique qui ne se dément jamais jusqu’à cette finale inattendue, tout dans ce film est original et audacieux : du grand cinéma!

Avec les excellents Keira Knightley, James McAvoy, Romola Garai et Vanessa Redgrave (2007)

***½ Mille soleils splendides, de Khaled Hosseini

Moins étonnant que Les cerfs-volants de Kaboul, ce deuxième roman de Khaled Hosseini ne laisse pas indifférent. On y suit le destin de deux femmes, Mariam et Laila, de milieux et de générations différentes, mais que le destin va réunir puisqu’elles seront les deux épouses du même homme despotique.

En fond de toile, l’occupation soviétique, la guerre civile, l’arrivée des talibans. Mais l’auteur dépeint surtout la servitude de la femme afghane, qu’on marie contre son gré, qui n’a aucun droit, et qu’on brutalise sans vergogne surtout si, affront suprême, elle ne donne pas de fils.

Outre l’humiliation constante dont le port obligatoire de la burqa n’est qu’une illustration, la pauvreté, la peur omniprésente, il y a toutes ces horreurs au quotidien, dont une césarienne opérée à froid car les médicaments sont réservés aux hommes.

Divisé en quatre parties, le roman se termine sur une note positive, un peu trop même, compte tenu de l’histoire récente.

Hosseini, Khaled. Mille soleils splendides, Paris, Belfond, 2007, 405 p.

**** L'âge des ténèbres, de Denys Arcand

La critique a été très dure pour ce film qui est pourtant le plus abouti de Denys Arcand. Est-ce parce que ce film est d’un pessimisme absolu? Il ne faut pas oublier que le réalisateur fait partie de ces baby-boomers qui croyaient (bien naïvement?) qu’ils changeraient le monde. Trente ans plus tard, le constat est amer. Et Arcand ne nous épargne aucun raté. D’ailleurs, il aurait très bien pu intituler son film Les rendez-vous manqués. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : égalité homme/femme, société plus juste, communication facilitée, tous les rêves étaient permis à l’aube des années 70. Que s’est-il passé pour aboutir à un tel gâchis?

Arcand n’apporte pas de réponse. Tout au plus ouvre-t-il une toute petite fenêtre d’espoir.

Avec l’extraordinaire Marc Labrèche dans le rôle d’un fonctionnaire sans panache qui survit grâce à ses fantasmes, la toujours excellente Sylvie Léonard dans le rôle de sa femme superwoman et l’ensemble du bottin des Artistes, 2007