***½ Le Sanglot de Satan, par Alain Pecunia

Le narrateur raconte son retour en France pour toucher l’héritage de sa sœur. Il évoque les circonstances de son départ de la Normandie, il y a plus d’une décennie. Son récit prend rapidement un tour intriguant. Puis les événements se précipitent. Un peu comme dans Une vendetta de Guy de Maupassant.

Jusqu’au terme de sa lecture, le lecteur est tenu en haleine.

Coup de cœur de Claude Trudel


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***½ Le Prix du meilleur scénario, d’Alain Pecunia

Un scénariste de renom est très fier de son dernier synopsis. Malheureusement pour lui, un drame survient près de chez lui et présente des similitudes troublantes avec son scénario. Il le modifie de façon drastique sauf que la réalité semble vouloir le rattraper…

On se dit d’abord que ce récit est bien prévisible, jusqu’au moment où il faut bien avouer qu’on s’est fait avoir…

Ce livre numérique est disponible en téléchargement gratuit sur Lulu, ou sur Feedbooks.

**** Je ne veux pas mourir seul, de Gil Courtemanche

«J’ai raté ma vie », soutient l’auteur. Ni la renommée, ni l’argent, ni l’alcool, ni le sexe n’ont suffi à combler l’abîme creusé par le départ de la femme qu’il aimait. La même semaine, il apprenait qu’il était atteint d’un cancer du larynx. Il se bat, mais sans passion, parce que le suicide n’est pas une option et parce que sa mort ferait trop de peine aux gens qui l’aiment.

La mort, la vie : le récit alterne en chapitres ainsi nommés. Gil Courtemanche se livre sans pudeur, espérant que son témoignage évitera à d’autres de commettre les mêmes erreurs. Un roman coup de poing.

Courtemanche, Gil. Je ne veux pas mourir seul, Boréal, 155 p.

***½ 10 1/2, de Daniel Grou (Podz)

Le réalisateur a choisi de traiter son sujet de la façon la plus réaliste possible, sans musique, dans un décor terne, grisâtre. L'action se concentre vraiment sur la bataille que livre Tommy, 10 ans et demi, à son éducateur qui tente de trouver une brèche dans l'armure que s'est construit l'enfant au fil des ans.

Est-ce à cause des répétitions? Ou à cause de la violence toujours présente? Je n'ai pas été aussi touchée que j'aurais dû par le drame qui se déroulait sous mes yeux, comme si une partie de moi voulait se protéger en se cantonnant dans le rôle de spectatrice.

Pourtant, il faut saluer l'immense talent de Claude Legault et du jeune Robert Naylor, ainsi que des autres comédiens. Et par la même occasion saluer l'immense générosité de tous ceux qui oeuvrent auprès de ces écorchés.

Avec Claude Legault et Robert Naylor (2010)

**** Brassard, de Guillaume Corbeil

Guillaume Corbeil s’est effacé devant l’interviewé, et c’est tant mieux. On a ainsi l’impression d’avoir un accès direct aussi bien à Brassard qu’à André. Ce dernier se met véritablement à nu : son enfance dévastée par le mensonge, son homosexualité, son goût pour la jeune chair, sa cocaïnomanie, sa colère face à cet AVC qui l'a laissé diminué, sa solitude.

Le metteur en scène génial qui a révolutionné le théâtre en montant 88 spectacles nous livre ses réflexions sur le métier d’acteur, sur le respect du texte, sur sa carrière, sur la vie, sur l’indépendance du Québec…Il se livre sans pudeur mais sans flagornerie non plus. Un livre touchant.

Corbeil, Guillaume. Brassard, Libre Expression, 2010, 280 p.

**** Tout bouge autour de moi, de Dany Laferrière

Constitué de courts chapitres, ce livre n’est pas un roman mais plutôt une chronique des événements, une série d’observations et un témoignage des émotions qui ont assailli l’auteur pendant et après le séisme qui a secoué Haïti.

Lui-même se pose la question sur la pertinence d’écrire ce livre. À cet égard, le récit nous convainc de la nécessité de son propos, ne serait-ce que pour nous éclairer sur la culture haïtienne, nous alerter contre une volonté de tout faire à notre façon, et surtout, nous empêcher d’oublier.

Laferrière, Dany. Tout bouge autour de moi, Mémoire d'encrier, 2010, 159 p.

***½ Route 132, de Louis Bélanger

Comment fait-on pour continuer à vivre quand on a perdu son enfant? Cette question, le personnage que joue François Papineau la pose à plusieurs reprises. Heureusement, le réalisateur Louis Bélanger évite d’y répondre : cela démontre un grand respect pour la douleur des autres.

Le jeu des comédiens est excellent et les images, magnifiques. Lae réalisateur accouche d’un bon film, mais malheureusement, il s’égare quelquefois en voulant ratisser très large : la maltraitance des aînés, la guerre de Bosnie, la petite délinquance … On ne trouve pas dans ce film la même unité de ton qui a fait la renommée de son précédent film Gaz Bar Blues.

Avec François Papineau et Alexis Martin (2010)

***½ Artemisia, par Alexandra Lapierre

Le sous-titre, Un duel pour l’immortalité, résume à lui seul le roman. Car cette jeune femme peintre se battra toute sa vie contre son père et professeur Orazio Gentileschi, peintre célèbre du XVIIe siècle. Le destin d’Artemisia fut à la fois tragique et grandiose. D’abord adulée par son père, puis rejetée lorsqu’elle fut violée par un ami de ce dernier, elle n’aura de cesse de prouver qu’elle est une grande artiste. Avec acharnement, elle conquit gloire et indépendance.

En marge du destin de cette femme exceptionnelle, l’auteure évoque le climat de l’époque où les artistes étaient des intimes des papes comme des rois et jouaient des jeux politiques importants. Une rivalité sans borne secouait Rome, Florence, Naples, Venise, Londres. Artemisia y brilla tour à tour. Les pages les plus intéressantes restent celles où Alexandra Lapierre décrit avec forces détails les tableaux peints par cette grande artiste.

Lapierre, Alexandra. Artemisia. Un duel pour l'immortalité, Robert Laffont, 1998, 526p.

***½ Le Verdict du plomb, de Michael Connelly

L’avocat Mick Haler hérite de la clientèle d’un collègue assassiné, dont un magnat du cinéma accusé d’avoir tuer sa femme et son amant. En plus de son héros, l’auteur ramène son détective préféré Harry Bosch ainsi que le journaliste Jack McEvoy; malheureusement, leur présence est superficielle et n’ajoute vraiment rien au récit.

L’intérêt du roman réside dans la préparation de la défense; Mick Haler est à la recherche de l’argument miracle qui saura convaincre le jury. Évidemment, il aura fort à faire pour le trouver et les revirements de situation abondent, comme dans tout bon polar. Il en ressort toutefois cette fâcheuse impression que tout procès est d’abord et avant tout une joute entre deux avocats où l’habileté argumentaire prime. Et tant pis si la vérité est mal servie!


Connelly, Michael. Le Verdict du plomb, Seuil Policiers, 2009, 457 p.

***** Incendies, de Denis Villeneuve

Chef-d’œuvre absolu! Denis Villeneuve signe le film le plus abouti de sa carrière et le plus achevé de notre jeune cinématographie.

L’auteur de la pièce, Wajdi Mouawad, lui a laissé carte blanche. Il ne doit pas être déçu tant le réalisateur a su bien choisir ses interprètes, soigner les images et la musique et surtout, donner un poids sans pareil aux regards et aux silences.

Un film remarquable par sa pudeur et sa dignité. À voir absolument!

Avec les exceptionnelles Lubna Azabal et Mélissa Désormeaux-Poulin, ainsi que Maxim Gaudette et Rémy Girard, toujours très bons. (2010)

***½ Le Tombeau d’hiver, d’Anne Michaels

L’auteure a choisi de mêler l’histoire d’un couple à la grande Histoire. Ainsi suivons-nous Jeanne et Avery du désert nubien au nord de l’Ontario puis à Varsovie. Il y est beaucoup question de pertes : perte du territoire, de ses racines, de ses repères; perte des être chers, de son passé, de ses amours.

Le ton est souvent poétique, parfois didactique, la plupart du temps grave. Car les amants se questionnent (trop?) sur l’empreinte de l’homme qui construit et déconstruit. Un livre qu’on lit lentement, pour le savourer.

Michaels Anne, Le Tombeau d’hiver, Éd. Alto, 2010, 425 p.

***½ Le Tombeau d’hiver, d’Anne Michaels

L’auteure a choisi de mêler l’histoire d’un couple à la grande Histoire. Ainsi suivons-nous Jeanne et Avery du désert nubien au nord de l’Ontario puis à Varsovie. Il y est beaucoup question de pertes : perte du territoire, de ses racines, de ses repères; perte des être chers, de son passé, de ses amours.

Le ton est souvent poétique, parfois didactique, la plupart du temps grave. Car les amants se questionnent (trop?) sur l’empreinte de l’homme qui construit et déconstruit. Un livre qu’on lit lentement, pour le savourer.

Michaels Anne, Le Tombeau d’hiver, Éd. Alto, 2010, 425 p.

*** Mange, prie, aime, de Ryan Murphy

Liz a tout pour être heureuse : pourtant elle ressent un grand vide qu’elle tentera de combler en Italie (pour manger), en Inde (pour prier) et à Bali (pour aimer).

Tiré d’un roman qui a fait recette, le film a reçu plusieurs critiques élogieuses. Pourtant, je n’ai pas accroché du tout, malgré les beaux paysages. Il y a à mon avis un problème de casting : comment croire à la détresse d’une Julia Roberts, qui respire la santé, la joie de vivre, le bonheur? Il faut plus que quelques froncements de sourcils pour incarner le désarroi : on n’a qu’à penser à Julianne Moore dans The Hours.

Dommage, il y avait matière à réflexion. Le réalisateur a en fait un film gentil. Et qui gagnera peut-être des Oscars!!!

Avec Julia Roberts, Javier Bardem, James Franco et Billy Crudup (2010)

***½ Origine, de Christopher Nolan

Les critiques sont dithyrambiques. C’est le film culte de la décennie, paraît-il. Effectivement, le film étonne au niveau des effets spéciaux; ils sont carrément spectaculaires. L’intrigue est de prime abord fort originale : implanter une idée à un industriel en pénétrant son subconscient. Le moyen d’y parvenir est complexe, on s’en doute. Et c’est là que le bât blesse. Peut-être plusieurs visionnements permettraient-ils de démêler l’écheveau conçu par le scénariste; mais qui a envie de revoir un film purement cérébral, sans émotions? Car malgré le talent de DiCaprio et des autres acteurs, on ne s’attache pas vraiment aux personnages. De belles images, de l’action, des revirements inattendus; et pourtant, le film m’a paru bien long.


Avec Léonardo DiCaprio, Ellen Page, Marion Cotillard (2010)

***½ Piché, entre ciel et terre, de Sylvain Archambault

La critique a écorché un peu ce film que j’ai bien aimé. S’il est vrai que les vingt dernières minutes sont absolument époustouflantes, le reste du film nous réserve de beaux moments d’émotion. Les allers-retours sont nombreux, peut-être trop, mais ils nous permettent de mieux découvrir le caractère de cet homme hors du commun, qui mérite tout notre respect et pas seulement à cause de l’exploit que l’on sait.

Avec Michel Côté, Maxime Leflaguais, Sophie Prégent et Normand D'Amour, tous excellents! (2010)

****1/2 À mon juge, d’Alessendro Perissinotto

Quelle idée saugrenue que ce roman formé uniquement de courriels! Dès les premières phrases, on connaît le meurtrier puisque c’est lui qui écrit à celle qui le jugera, si toutefois la polile réussit à le localiser. Ce qui n’est pas sûr puisqu’il s’agit d’un crack de l’informatique qui veut absolument expliquer pourquoi il a tué son ancien associé et pourquoi il devra commettre un autre crime. Plus qu’un thriller, Perrissinotto nous offre ici une critique fort juste d’une société à la dérive, où le blanchiment d’argent et autres arnaques deviennent la norme. Et pour nous étonner encore plus, il fait intervenir Jacques Brel … mais il faudra lire cet admirable roman pour savoir comment!


Perissinotto, Alessendro. À mon juge, Gallimard, Série Noire, 2008, 288 p.

**** La traversée des sentiments, de Michel Tremblay

Dernier volet de la Diaspora des Desrosiers, ce roman de Michel Tremblay nous donne le goût de relire toute l’œuvre de cet auteur hors norme.

Nana est déçue que sa mère songe à s’offrir une semaine de vacances avec ses sœurs en les laissant, elle et son frère Théo, aux bons soins d’une voisine. Mais le destin n’a pas dit son dernier mot. Et ces vacances seront l’occasion de se dire, souvent de façon maladroite, tout l’amour qu’on se porte, et de renouer avec certains personnages qui ont fait nos délices.

Car Michel Tremblay sait étonner.

Tremblay, Michel, La traversée des sentiments, Actes Sud, 2009, 256p.

**** L’enfant prodige, de Luc Dionne

Bien sûr, le critique musical de La Presse n’a pas aimé. C’était tellement prévisible! D’autres intellos ont trouvé que ceci, ou cela, bref ont démoli le film de Luc Dionne. Comme beaucoup d’autres, j’ai bien aimé que le réalisateur fasse la partie belle à la musique d’André Mathieu. Tant pis si les personnages secondaires sont peu développés. Tant pis si les documents d’archives ne s’insèrent pas toujours sans heurt. L’important, c’est que nous apprenions à aimer la musique de ce génie si mal-aimé. Et ça, Luc Dionne et ses interprètes le réussissent très bien. Chapeau! Un film à voir!


Avec Patrick Drolet, Marc Labrèche, Macha Grenon etGuillaume LeBon (2010)

***½ La femme du Ve, de Douglas Kennedy

Harry se réfugie à Paris pour échapper à la justice de son pays : une aventure avec une de ses étudiantes a tourné à la catastrophe. Peu argenté, il est secouru par un ressortissant turc qui lui offre un travail plus que douteux. Sa vie misérable prend une nouvelle tournure lorsqu’il rencontre Margit, cette étrange femme du Ve, au charme suranné. Il est conquis … pour son plus grand malheur.

J’ai été conquise aussi par ce roman aux allures de polar presque jusqu’à la fin. Le rythme, le ton, le décor, les personnages, les revirements de situation rendent la lecture très agréable jusqu’au moment où on se dit que non, vraiment, là l’auteur exagère. Dommage!

Kennedy, Douglas. La femme du Ve, Belfond, 2007, 378 p.

*** Le secret, d’Anna Enquist

Toute l’enfance de Dora Dorique a été marquée par les silences et les non-dits. Comment une enfant peut-elle comprendre que certaines personnes sont menacées par le régime nazi et qu’il vaut mieux se taire? Seule échappatoire, la musique; elle sait mieux dire encore que les mots.

Devant abandonner sa carrière de pianiste, Dora se remémore sa vie. Les retours en arrière se mêlent habilement au présent, jusqu’à ce secret qui n’est pas celui que l’on croit. L’auteure excelle à recréer les atmosphères, les émotions aussi. Mais j’ai moins aimé ce roman que Le retour, qui avait une facture plus originale.

Enquist. Anna. Le secret, Paris, Actes Sud, 2003, 230 p.

**** Le Cercle du karma, de Kunzang Choden

Première romancière bhoutanaise, Kunzang Choden séduit par son immense talent.

Son héroïne Tsomo aimerait être instruite des enseignements de Bouddha. Mais elle est femme et cela ne se fait pas. Elle se met donc courageusement à la recherche de lamas qui voudraient l’éclairer. Son voyage à travers le Bhoutan, le Tibet, le Népal et l’Inde est ponctué de drames mais aussi de rencontres merveilleuses.

Ce qui fascine surtout, c’est la découverte d’une société si différente de la nôtre, où l’entraide est de mise. «Le riche fait la charité; le pauvre partage ce qu’il a.» La quête du bonheur et de la sérénité prime sur l’envie de biens matériels. L’auteure nous donne envie d’en connaître plus sur le bouddhisme et sur son pays où le roi se préoccupe non pas de PIB mais de BNB (bonheur national brut).

On peut lire une entrevue très intéressante avec l’auteure à cette adresse.

Choden, Kunzang. Le Cercle du karma, Paris, Actes Sud, 2007, 430 p.

**** Dans ses yeux, de Juan José Campanella

Buenos Aires, 1974. Une jeune femme est sauvagement assassinée. L’enquêteur chargé de l’affaire est obsédé par ce meurtre, même vingt-cinq ans plus tard alors qu’il tente d’écrire un roman basé sur ce crime. S’ensuivent de nombreux allers-retours entre hier et aujourd’hui, donnant un portrait saisissant du besoin de justice mais aussi de l’impuissance des «petits» face à la violence des «puissants».

À la fois polar, thriller, drame avec des moments de grande comédie, Dans ses yeux est un film captivant, porté par de très grands interprètes. Malgré les revirements de situation, le spectateur ne perd jamais le fil tellement le réalisateur a bien construit son scénario. La fin, nullement prévisible, vaut le détour.

Il méritait son Oscar de meilleur film étranger.

Version originale en espagnol (El Secreto de Sus Ojos), avec sous-titres français

Avec Soledad Villamil et Ricardo Darin (2009)

***½ L’immeuble Yacoubian, d’Alla El Aswany

À l’origine, l’immeuble Youcabian abritait la fine fleur de la société cairote. Celle-ci émigra lors de l’arrivée au pouvoir de Nasser. Aujourd’hui, le bel édifice Art Déco est habité par de nouveaux riches; y travaillent des miséreux qui ont fui la campagne pour investir les terrasses du bâtiment.

L’auteur a donc choisi de nous présenter un microcosme de la société égyptienne à travers les destins croisés de sept personnages. Violence, corruption, fanatisme, misère et sexualité omniprésente : on comprend qu’il ait eu du mal à trouver un éditeur! Le roman a néanmoins touché des millions de lecteurs et a été traduit en plusieurs langues, malgré (ou grâce à ?) sa dénonciation du gouvernement Moubarak.

On s’attache facilement aux personnages parce qu’ils sont «vrais». Chacun essaie de tirer le meilleur parti de ce que lui réserve une vie difficile dans une société oscillant entre modernisme et traditions.

Aswany, Alla, el. L’immeuble Yacoubian, Paris, Actes Sud, 2006, 327p.

**** Le retour, par Anna Enquist

Que peut ressentir une femme de marin qui attend depuis trois ans le retour de son mari? C’est le pari qu’a pris l’auteure Anna Enquist qui voulait raconter l’histoire du célèbre navigateur et cartographe James Cook mais à travers les yeux et le cœur de son épouse. Pari tenu haut la main tellement on s’attache à cette femme de tête que les coups durs n’épargnent pas. Elle ne cesse d’essayer de seconder son mari et de lui rendre la vie agréable sur la terre ferme afin qu’ils puissent avoir une vie de famille normale. Mais les doutes l’assaillent sans cesse et le dialogue est difficile, malgré l’amour et le respect qu’ils éprouvent l’un pour l’autre.

Bien documentée, l’auteure réussit à rendre compte des découvertes de Cook sans alourdir le récit. Sa façon d’aborder les circonstances encore mystérieuses de la mort de Cook est originale. Le rythme un peu lent du récit s’accorde bien avec cette vie d’attente.


Enquist, Anna. Le retour, Paris, Actes-Sud, 2007, 493p.


***½ Tous les hommes sont menteurs, d'Alberto Manguel

Trente ans après le suicide de l’écrivain Alejandro Bevilacqua un journaliste recueille le témoignage de quatre proches : son confident, sa dernière compagne, un ancien prisonnier politique ayant partagé la même cellule et son éditeur. Quatre témoignages, quatre visions tout à fait différentes, voire divergentes. Qui croire? L’auteur mêle les pistes, nous suggère que la vérité, la «vraie vérité», n’existe pas. D’ailleurs, n’est-ce pas un indice que d’avoir intitulé le chef d’œuvre de Bevilacqua Éloge du mensonge?

Un roman à l'allure de polar, qui procure de belles heures de lecture.

Manguel, Alberto. Tous les hommes sont menteurs, Actes sud, 2009, 200 p.

***½ Lutetia, de Pierre Assouline

Il faut beaucoup d’audace pour écrire l’histoire d’un hôtel; il faut beaucoup de talent pour y intéresser le lecteur. C’est le pari que relève avec brio Pierre Assouline. Le choix de l’hôtel n’est pas anodin : le Lutetia a connu un destin particulier. D’abord fréquenté par de grands noms (James Joyce, Henri Matisse, Albert Cohen, entre autres) puis réquisitionné par les Allemands qui y installent l’Abwehr, le Lutetia fut aussi le refuge de tous les déportés (on aimait mieux le terme mois choquant de rapatriés) des camps de concentration.

Comme fil conducteur, l’auteur a recours à un personnage fictif qui voit tout et entend tout, sans jamais ne rien révéler : le détective chargé de la sécurité de l’hôtel. Il a aussi consulté les archives et rencontré de nombreux acteurs de ces années tumultueuses.

Assouline, Pierre. Lutetia, Gallimard, 2005, 438p.

***½ Des hommes, par Laurent Mauvignier

Un roman âpre. Le mot est rarement accolé à un roman mais il décrit bien ce récit sombre, difficile.


Deux cousins ayant fait l’Algérie. Leur rancœur couvait bien avant et aura survécu bien après. Mais voilà qu’elle ressurgit lors d’une fête. Et tout ce qu’ils auront tu, car «l’Algérie, on n’en a jamais parlé. Sauf que tous on savait à quoi on pensait lorsqu’on disait nous aussi on est comme les autres, et les animaux valent mieux que nous, parce qu’ils se foutent pas mal du bon côté».


Pour dire la souffrance du souvenir, l’écrivain recourt à un procédé qui rend la lecture difficile : phrases incomplètes, répétitions, retours. L’histoire se compose peu à peu, et le lecteur doit faire un effort pour remettre en place les pièces du casse-tête. Car l’auteur s’attache d’abord aux sentiments, aux émotions. Un roman âpre mais fascinant.


Mauvignier, Laurent. Des hommes, Minuit, 2009, 281 p.

**** Les accoucheuses- tome 1: La fierté, d'Anne-Marie Sicotte

Montréal, 1845. À seize ans, Flavie entreprend l'apprentissage du métier d'accoucheuse auprès de sa mère Léonie. Cette dernière fonde, malgré la désapprobation du clergé et les réticences des médecins, un refuge pour femmes enceintes démunies et une école de sages-femmes.

Au-delà des embûches que les héroïnes affrontent avec courage, ce qui donne du poids à ce roman est la description très minutieuse des moeurs et des coutumes de l'époque. On sent que l'auteure s'appuie sur des recherches approfondies pour situer l'action de son roman dans un décor très réaliste. Elle mêle habilement l'histoire et l'Histoire: ses personnages sont les témoins, parfois directs, de l'épidémie de typhus, de l'incendie du Parlement, de l'abandon des mesures protectionnistes par Londres, etc. Plus encore, elle s'intéresse à la lutte, encore timide, de certaines femmes pour atteindre l'égalité avec les hommes.

Sicotte, Anne-Marie. Les accoucheuses- tome 1: La fierté, VLB éditeur, 2006, 880p.

***** Shutter Island, de Martin Scorsese

1954. Deux marshalls américains débarquent sur une petite île afin de faire la lumière sur la mystérieuse disparition d'une patiente enfermée dans un hôpital psychiatrique où sont internés de dangereux criminels. L'accueil plutôt froid du personnel et des médecins traitants laisse présager de lourds secrets. Une dangereuse tempête les cloue sur place et agrave une atmosphère déjà pesante.

Scorsese joue habilement avec nous comme avec son personnage principal, magistralement interprété par Leonardo DiCaprio. Les retours en arrière sont nombreux et ce n'est qu'à la toute fin que nous en saisirons toute la pertinence.

Les images sont à couper le souffle: beauté sublime d'une nature sauvage alternant avec des décors intérieurs étouffants. Un film à voir et à revoir.

Avec Leonardo DiCaprio, Mark Ruffalo et Ben Kingsley (2010)

Le film est tité de l'excellent roman homonyme de Dennis Lehane

***½ Portrait de l'artiste en hors-la-loi, de Fiona Capp

J’aime découvrir de nouveaux auteurs. Fiona Capp s’appuie sur l’histoire de son arrière-arrière-grand-père parti de l’Italie pour chercher fortune en Australie. Mais le reste est fiction, superbement bien écrit.

Son héroïne Emma Musk est une femme indépendante, passionnée de peinture moderne et partant, mal vue de la bonne société. Elle semble pourtant se ranger, vivre une vie conforme à ce qu’on attend alors d’une femme et d’une mère (nous sommes à la fin du XIXe siècle). Mais la vie lui réserve de bien mauvaises surprises. Elle aura fort à faire pour rester fidèle à elle-même.

Capp, Fiona. Portrait de l'artiste en hors-la-loi, Ed. Actes Sud, 2009, 363 p.

**** Le ruban blanc, de Michael Haneke

Film âpre, très dur : le noir et blanc s’imposait. Dans ce village allemand, la morale prônée par le pasteur protestant est rigide. Mais l’ordre social est perturbé par divers incidents dont on ne connaîtra pas, de façon sûre, les coupables. C’est le choix du réalisateur : montrer qu’une société privée de tout espace de liberté peut donner naissance aux extrémismes comme le nazisme.

Les visages sont le plus souvent fermés, la cruauté n’est jamais loin, certaines répliques donnent froid dans le dos ; mais voilà que le sourire d’un enfant ou un paysage lumineux allège l’atmosphère.

Un grand film !

Avec Christian Friedel, Burghart Klaussner, Leonie Benesch, Ulrich Tukur, Rainer Bock, Susanne Lothar, Maria-Victoria Dragus, Leonard Proxauf, Roxane Duran. (2009)


**** La chanson de Colombano, d' Alessandro Perissinotto

Issu d'une vieille chanson, le premier roman d' Alessandro Perissinotto est un roman policier d'un genre inédit. Chaque chapitre a pour point de départ une strophe de la chanson; l'écriture se modèle sur la langue de l'époque. Car cette histoire a eu lieu il y a plus de cinq siècles.

Colombano, tailleur de pierres, a été engagé pour creuser la montagne afin d'acheminer l'eau vers les terres arides. Mais un jour, quatre cadavres sont trouvés près de son chantier.

Les villageois de Chiomonte ont tôt fait de le désigner comme coupable. Seul Ippoloto Berthe, jeune ecclésiastique et juge met sa culpabilité en doute. Avec lui, nous cherchons la vérité qui se cache derrière les allégations issues de superstitions et d’ignorance.

Vraiment très intéressant!


Perissinoto, Alessandro. La chanson de Colombano, Folio Policier no 336, 2002, 244p.

**** Sao Paulo ou la mort qui rit, de Raphaël Korn-Adler

J’avais été fascinée par le premier roman du Dr Korn-Adler, La vie aux enchères qui traitait du trafic d’organes. Ce nouveau roman aborde d’autres problématiques : les organismes génétiquement modifiés, les avancées technologiques, le cynisme des bandits à cravate.

Sao Paulo croule sous la pollution, la crasse, la violence, la chaleur. Même les quartiers huppés ne sont pas épargnés. Et les bien nantis peuvent en quelques années retrouver les miséreux des favelas car la corruption est partout.

Dans cet enfer permanent vit le génie informatique Pedro Gomes; spécialiste en intelligence artificielle, il a développé un ordinateur capable d’apprendre, lequel lui sera fort utile pour faire face à son destin. Car il ne sera pas épargné: sa femme est frappée par un mal mystérieux, sa fille est anorexique, son fils se joint à une secte et il perd son travail. Cela peut sembler beaucoup pour un seul personnage mais l’auteur réussit à nous captiver tout en témoignant de sa préoccupation: quel avenir pour ces populations de mégapoles où seul le profit compte?

Un roman poignant!

Korn-Adler, Raphaël. Sao Paulo ou la mort qui rit, Éditions Hurtubise inc., 2002, 544p.